Balbo écrit:
Toujours payé par des gens qui dise c'est impayable et qui paie
Tu voulais parler évidemment de cet article sans jamais viser qui que c soit
, pas comme moi
(NUMÉRO 4 NOVEMBRE 2008 52)
humeur
Par Français Delmotte
BRÈVES DE TAPIS
BEAUCOUP DE BOUCHE
ET PEU DU RESTE
Le poker a son langage, souvent technique. Les connaisseurs
se délectent ainsi de ce volapuk regorgeant de small bail,New York back-raise, resteai et autres moves bien pointus.
Un lexique délicieusement abscons et exotique. Mais autour des
tables, la plupart des réflexions qui viennent se mêler au bruit
de la manipulation des jetons sont faites de lieux communs, de
tautologies et de formules à l’emporte-pièce qui font souvent
partie d’une rhétorique de la désinformation destinée à
embrouiller l’adversaire ou à cacher ses faiblesses.
Qui ne s’est pas ainsi étonné de l’inanité de
phrases sorties de la bouche des éternels débi-
teurs de vos parties amicales comme un
‘je
suis obligé”, prononcé avant de payer et qui
se transforme en un
“j’étais obligé” auto-jus-
tificateur après la découverte d’un jeu supé-
rieur. Car, en effet, obligé à quoi ? À rien[/b],
Pour embrouiller ou se défendre,
les formules ne manquent pas bien sûr. Et surtout pas à faire n’importe quoi.
La formule qui voudrait faire croire à une décision impérative pour des raisons de cotes savamment calculées cache souvent une excuse au fait de payer perdant quand la seule option “obligatoire” est de se coucher.
Tout aussi peu raisonné, le “je ne sais pas pourquoi (ah non !) mais je l’sens pas” ou “je l’sentais pas”, avant ou après un fold lamentable qui
s’affranchit de toute réflexion approfondie pour s’en remettre à une forme de divination qui a plus à voir avec le manque de cou-
rage qu’avec une sagacité nourrie d’une bonne lecture de la situation. Le très affirmatif
“je suis sûr que t’as rien” en est une variante, prononcé sans craindre la contradiction en jetant ses cartes l’air dégoûté, signe d’une certitude quand même un peu molle.
“Je le savais !”
est aussi un classique indémodable. Ça ne mange vraiment pas de pain et ça donne l’impression qu’on avait trop bien lu le coup qu’on vient d’abandonner pitoyablement. Et que dire du
“jamais, tu dois l’gagner~ ce coup accusant ouvertement le gagnant d’avoir une
veine scandaleuse et de posséder une technique honteusement faible. Dit crûment, c’est
“tu joues trop mal, je ne peux pas croire que
tu arrives à gagner (surtout contre moi qui avais joué le coup tactiquement à la perfection)”. En relativisant un succès qui doit tout à la chance, on donne évidemment l’impression que son
propre échec n’en est pas vraiment un. Et puis on reste présent en parole. On donne de la bouche à défaut de donner du reste (de la jugeote, des corones).
Mais la perle de ces brèves de tapis, miroir de la précédente, qui s’appuie sur le même fatalisme simplificateur, est un raccourci hardi, pur condensé d’absurdité : le définitif “c’est bi en joué puisqu’il a gagné”. Ainsi le gain du coup, quel que soit son déroulé, donnerait
nécessairement raison au vainqueur. CQFD.
En général prononcé par un joueur qui n’était pas impliqué pour mettre tout le monde d’accord et clore la polémique naissante, cette merveilleuse maxime apparemment frappée au coin du bon sens résume bien ces philosophies de tapis qui ajoutent souvent le ridicule à la défaite de leurs auteurs. ~